Le Marquis Folco de Baroncelli
1869-1943
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…..C’est aussi chez Mme de Flandreysy
que j’ai rencontré le plus souvent Folco de Baroncelli ;
sans doute je l’avais vu pour la première fois, comme je l’ai dit,
en 1907, au soir d’une fête provençale au Palais des Papes, et depuis
je l’avais aperçu à cheval soit à Maillane, pour les anniversaires
mistraliens, soit au Saintes ou dans des arènes pour des jeux équestres
ou taurins, avec sa chemise à carreaux bleus ou roses, son grand
feutre de gardian, toute son ardeur et sa souplesse de beau cavalier,
maniant à son gré sa monture tel qu’il est resté jusqu’à soixante
et douze ans passé, à la veille de sa mort. |
Mais au Roure j’ai pu voir au-delà du « Marques », de l’homme public,
acclamé par les foules provençales, l’homme tout simple, portant le
poids de ses soucis quotidiens, ses charges familiales, l’élevage de
ses taureaux, de pénibles affaires pécuniaires, tout l’envers de ce
« mestié de glori », comme disait le bon Charloun,
qu’est le métier de gardian, et plus encore celui de manadié. Il était
plaintif parfois, avec sa douce voix modelée selon les intonations du
plus pur dialecte d’Avignon, mais aussi résigné, fataliste et digne,
confiant en Dieu et plus encore en Sainte Estelle et les Saintes Maries,
et subtil aussi, diplomate avec une sorte de ruse italienne.
Sans nul souci de sa gloire poétique il n’aurait jamais réuni
ses vers ni ses contes, si Mme de Flandreysy
ne les avait fait éditer. Modeste à l’excès il était toujours
celui qui n’a rien fait…
Que ce soit pour les commémorations de Mistral,
sur lequel il aurait eu tant à dire, ou celle des premiers félibres
qu’il avait presque tous connus, il restait silencieux, habitué
à se taire et méditer devant les horizons de la Camargue.
Quand les circonstances l’exigeaient, il prenait la parole parce
qu’on l’y obligeait et qu’il ne pouvait se dérober, mais pour lui
la poésie et l’éloquence était surtout action, et c’est par l’action,
par son attitude de gardian obstiné, qu’il restera dans les yeux
et la mémoire des populations du Languedoc et de la Provence. Sobre
de paroles et de vers, lui aussi s’est réalisé dans sa vie plus
que dans son œuvre écrite ; toutefois je crois que dans l’intimité
de sa correspondance amicale il épanchait volontiers ses sentiments
et Mme de Flandreysy possède de lui d’admirables
lettres. |
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