1901 première entrevue d'Emile RIPERT avec Frédéric
MISTRAL :
« Lire Mistral, c’était bien, mais lui écrire et l’aller
voir, c’était bien mieux. Je commençais par écrire et par bien me présenter,
je le fis en vers…hélas ! mais en vers français, dans un poème en l’honneur
de Mireio sur le rythme même de Mistral, la strophe de sept vers si difficile
à manier en français. Je n’y réussis sans doute pas trop mal, car Mistral
me répondit. On sait du reste qu’il répondait à tout et à tous, ayant pris
cette habitude charitable en souvenir du chagrin qu’il avait éprouvé du
silence dédaigneux de Jasmin, auquel à quinze ans il avait envoyé une « piécette
admirative ». Mais encore y avait-il des nuances dans les lettres de Mistral ;
celle qu’il m’adressait était fort encourageante et elle se terminait par
une suggestion intéressante :
Émile RIPERT
1882-1948
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E ounour de segur farias à la
Prouvenço, se patriouticamen vous adounassias de cor à l’estudi
de sa lengo ; mai aco se coumando pas, es une passion coume une
autro, es esta la mieuno à vint an n’i’a proun que l’on partajado(Et
honneur assurément vous feriez à la Provence, si patriotiquement
vous vous adonniez de cœur à l’étude de sa langue ; mais cela
ne se commande pas, c’est une passion comme une autre : c’a été
la mienne à vingt ans et il y en a beaucoup qui l’ont partagée.) |
Frédéric MISTRAL
1830-1914
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Encouragé par cette jolie lettre et cette
marque de confiance que me donnait le grand poète en me livrant, à
moi, pauvret, une strophe encore inédite, je décidais d’aller à Maillane
et de mettre pour ce voyage à profit les vacances de Pâques. Ce que
me fut ce voyage, les émotions qu’il suscita dans mon âme, les espérances
qu’il y ouvrit, je l’ai dit en vers dans un long poème intitulé justement
« Pèlerinage à Maillane ».
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